Et si c’était le Gaz de GAZA ?

Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre

• L’enjeu principal est au niveau des réserves de Gaz qui, Selon les dernières estimations, sont évaluées à 300 milliards de dollars, soit l’équivalent de 10% du PIB de la France

• A Gaza, la neutralisation du Hamas permettra un accord sur le gisement du gaz et empêchera le passage d’un couloir de la route de la soie vers la Méditerranée et l’Europe

• Le Monde vit une période de fortes turbulences et l’espoir est qu’une troisième guerre mondiale, au sens classique du terme, n’éclate pas

TUNIS – UNIVERSNEWS La compagnie britannique, British Gaz (BG), a découvert en l’an 2000 au large de GAZA un important gisement de gaz. BG a conclu un partenariat avec l’Autorité Palestinienne pour l’exploitation de ce gisement. Cet accord n’est jamais entré en vigueur. L’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon, en 2001, a tout bloqué. Tel-Aviv refusant que les Palestiniens puissent bénéficier de cette manne estimée à l’époque à plusieurs milliards de dollars. Selon les dernières estimations les réserves gazières de ce gisement sont évaluées à 300 milliards de dollars, soit l’équivalent de 10% du PIB de la France.

Au mois de juin 2023, Israël a donné son feu vert pour l’exploitation de ce gisement moyennant un accord de coopération et des garanties en matière de sécurité. Des pourparlers avec l’Autorité Palestinienne et l’Egypte ont débuté. De leur côté les Officiels du Hamas ont réaffirmé que le peuple Palestinien de Gaza a des droits exclusifs sur ses ressources naturelles ce qui signifie le rejet implicite de tout accord.

Le gaz Russe
On sait maintenant que l’enjeu majeur de la guerre en Ukraine est le gaz russe. La destruction des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et la fermeture de la majorité des gazoducs traversant l’Ukraine en sont la preuve concrète. L’objectif étant d’affaiblir la Russie par l’assèchement de sa manne énergétique. Au passage c’est le GNL américain qui a remplacé le gaz russe sur le marché européen avec une augmentation significative des approvisionnements de gaz algérien. En 2021, les pays de l’UE recevaient plus de 150 milliards de mètres cubes de gaz russe, soit 45 % de toutes leurs importations gazières, en majorité par gazoduc. Sur les sept premiers mois de 2023, cette proportion a baissé à 15 % dont la moitié sous forme de GNL.

La route de la Soie de la Chine
La Chine ne cache pas son projet de la route de la soie pour imposer son hégémonie sur l’économie mondiale. Ce projet développe un maillage bien précis des principales routes commerciales qui partent de Chine vers les principales régions de consommation dans le monde.

Plusieurs études montrent que la Chine deviendra la première économie mondiale entre 2030 et 2040. Elle détrônera ainsi les Etats-Unis d’Amérique. Ce n’est pas encore gagné, car la Chine n’arrive pas à retrouver son rythme de croissance ante Covid. Elle affronte plusieurs problèmes dont le plus important, à mon avis, est la baisse de sa croissance potentielle due à la baisse de la productivité de son économie et la baisse aussi de sa population.

Pour revenir à la route de la soie, il se trouve qu’un couloir qui remonte vers la mer Méditerranée passe par le SINAÏ, contigu à la bande de GAZA. Les Américains laisseront-ils les Chinois développer cette route vers l’Europe ? L’Egypte subit une énorme pression américaine depuis son adhésion aux BRICS en août dernier. D’ailleurs l’accélération du remplissage des réservoirs du barrage de la Renaissance en Ethiopie fait partie de cette manœuvre. Il diminue le débit du Nil, seule ressource en eau potable pour l’Egypte.

L’enjeu de cette guerre
C’est la naissance d’un nouvel ordre mondial. L’implication des Américains en Ukraine et à Gaza ne fait plus de doute. Par la guerre en Ukraine, les Américains mettent définitivement les Européens sous leur coupe et tentent de neutraliser les Russes afin de les empêcher de s’allier avec les Chinois. L’étape suivante serait de mener une stratégie de « containement » de la Chine afin de l’empêcher de devenir le leader économique mondial. Les approvisionnements en énergie et en matières premières y compris les métaux rares font l’objet d’une concurrence accrue et d’une surveillance pointue de la part des Américains. Les derniers évènements dans plusieurs pays subsahariens ainsi que la guerre fratricide au Soudan expliquent les escarmouchent que se livrent indirectement Américains et Russes. Des accords aboutiront entre ces deux puissances. Je ne serai pas étonné de voir livrer l’Ukraine à la Russie contre le Soudan aux Américains qui surveilleront de près les activités du port chinois à Djibouti.

A Gaza la neutralisation du Hamas permettra un accord sur le gisement du gaz et empêchera le passage d’un couloir de la route de la soie vers la Méditerranée et l’Europe. Les difficultés économiques de l’Egypte lui enlèvent toute marge de manœuvre, elle adhèrera au projet américain moyennant certaines contre parties.

Le Monde vit une période de fortes turbulences. La naissance du nouvel ordre mondial risque d’être difficile. Espérons qu’une troisième guerre mondiale, au sens classique du terme, n’éclate pas. Elle sera destructrice pour notre planète. Plusieurs acteurs régionaux, je pense à la Turquie, l’Iran et l’Arabie Saoudite, se positionnent pour maximiser les bénéfices de cette redistribution des cartes. La Tunisie bénéficie naturellement d’une position stratégique qui lui donne un avantage compétitif inégalable. Elle se trouve au carrefour de la Méditerranée orientale et occidentale et, de l’Afrique du Nord et du Sud de l’Europe. A nous d’en tirer profit loin de toute position dogmatique.

K.L.